Chantiers de culture, Yonnel Liégeois / Etre vivant

Viens, poupoule...

Au théâtre de L’épée de bois, Johanna Gallard présente Être vivant, parole des oiseaux de la terre. Un original dialogue entre une jolie bande de gallinacés et une femme clown à l’écoute de ses consœurs emplumées. Un spectacle où l’humour le dispute à la poésie.
 
Elles s’appellent Barbara, Loulou, Edwige, Juline... Elles sont une dizaine, toutes aussi belles, emplumées de la tête aux pattes ! Bien à l’abri de maître renard ou d’autres prédateurs, dans la cabane abracadabrantesque de dame Fourmi, leur amie et protectrice. L’une l’autre, à tour de rôle et le mot est bien senti, elles apparaitront dans l’encadrement d’une fenêtre ou du haut d’un escalier magique. D’aucunes, plus altières et fières, emprunteront la grande porte pour faire leur entrée en scène !
 
Docile, la poulette ? C’est selon, selon son humeur et la grosseur de la crotte déposée sur la piste, selon sa faim et le nombre de grains à picorer, selon l’exercice que la maîtresse de cérémonie l’invite à accomplir... Monter et descendre d’un tabouret, trinquer dans un petit verre à la santé de sa protectrice, courir de gauche à droite selon la direction proposée, partager la scène avec ses congénères sans se voler dans les plumes, plus difficile encore marcher sur un fil (une planchette de bois, en l’occurrence) et traverser un cercle rouge ! Une conviction se fait jour, elle n’est pas si bête, poupoule ! Elle se révèle même animal intelligent, sensible, curieux, doué de mémoire sous son plumage bigarré. Un être vivant, pas seulement formaté pour pondre un œuf de temps à autre.
 
De la parole, Johanna Gallard accompagne les faits et gestes de sa géniale basse-cour. Sous son masque de clown, elle a tissé un lien original avec ses « oiseaux de la terre ». Déchiffrant leurs divers caquètements, soulevant dans ses bras l’une l’autre avec infinie délicatesse, accompagnant d’un sourire ou d’un mot réconfortant celle qui a raté son numéro ou refusé de s’y prêter parce qu’il ne faut pas s’y tromper, ces dames ont du caractère ! Les enfants explosent de rire, les adultes de tendresse devant ce spectacle déroutant, innovant, atypique et d’une incroyable force poétique. Nous rappelant ainsi, sans forcer le trait, comme il est bon de se mettre à la hauteur de chacun, combien la nature est un tout où le vivant peut trouver sa place en pleine égalité. Combien surtout, bêtes et humains, nous sommes en fait des animaux bien volatiles ! 
Yonnel Liégeois, Chantiers de culture, juin 2025

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